Cavendish et le plateau de Beille, une combinaison infaillible

Déjouer les pronostics n'est pas donné à tout le monde. Mark Cavendish, lui, a fait du plateau de Beille son terrain de jeu, là où tant de sprinteurs se contentent d'atteindre l'arrivée, c'est lui qui réécrit les règles. Le contraste est saisissant : un spécialiste de la vitesse qui se dresse sans faiblir sur le col pyrénéen le plus redouté du Tour de France.

Le plateau de Beille : un col qui ne pardonne rien

Le plateau de Beille fait figure d'épouvantail depuis ses débuts sur le tracé du Tour de France 2024. Cette ascension, tout droit sortie des Pyrénées, s'adresse avant tout aux purs grimpeurs. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 15,8 kilomètres de montée à 7,9 % de pente moyenne, un dénivelé de 1 250 mètres, avec un sommet perché à 1 780 mètres.

Sur cette route sinueuse, chaque virage impose sa loi. L'improvisation n'a pas sa place ici. Le plateau de Beille n'a de cesse d'écarter les sprinteurs, même les plus aguerris, les reléguant parfois hors des délais, comme Bram Welten, récemment.

Cet endroit laisse une empreinte durable : rochers, chaleur écrasante, vent qui joue les arbitres. Tout s'allie pour transformer la montée en juge impitoyable. D'autres noms résonnent, Limoges, Bordeaux, Serre chevalier, Brest, mais ici, le plateau de Beille garde cette réputation presque intimidante, hors catégorie.

Grimpeurs et sprinteurs savent à quoi s'attendre : franchir ce col, c'est survivre à la sélection naturelle de la Grande Boucle. Année après année, la montagne impose sa loi, bouscule les étiquettes, redessine la hiérarchie du peloton avec une rigueur implacable.

Comment Cavendish a-t-il dompté cette ascension redoutée ?

Le 14 juillet 2024, Mark Cavendish, 39 ans, sprinteur dans l'équipe Astana-Qazaqstan, a pris tout le monde de court. Sur le plateau de Beille, il n'était pas dans la liste des favoris du général. Pourtant, il s'est hissé au sommet en 53 minutes et 11 secondes, terminant 69e à 13 minutes de Tadej Pogacar.

Son évolution force le respect. Voici comment son classement s'est amélioré au fil des éditions :

  • 128e en 2011
  • 101e en 2015
  • 85e en 2018
  • 69e en 2024

À chaque passage, il gagne des places, réduit l'écart. Cette année, il laisse derrière lui des coureurs comme Guillaume Martin ou Ben Healy, et distance le sprinteur Biniam Girmay de cinq minutes.

Cette progression n'a rien d'un hasard. Le staff de Astana-Qazaqstan a repensé sa préparation : stages en altitude, suivi nutritionnel précis, accompagnement mental ajusté. Cavendish, longtemps cantonné au sprint, a accepté de transformer sa routine : apprivoiser la souffrance des cols, travailler la gestion d'effort, adapter son poids, revoir sa position sur le vélo.

Sur cette étape clé, le collectif s'est mobilisé. Voici les leviers activés par son équipe :

  • coéquipiers mobilisés pour l'aider dans la montée
  • partage régulier des relais pour maintenir le rythme
  • gestion millimétrée des bidons et des ravitaillements

Ce n'est plus un simple fait de course, mais une transformation profonde : Cavendish s'impose sur un terrain réservé aux grimpeurs, bousculant les habitudes et marquant la saison de son empreinte.

Une performance qui change la donne pour les sprinteurs

La prestation de Mark Cavendish sur le plateau de Beille redistribue les cartes dans le cyclisme actuel. Jusqu'ici, cette montée écrasait les rêves des sprinteurs : seuls les grimpeurs y brillaient, les hommes rapides s'y accrochaient tant bien que mal, luttant pour éviter la voiture-balai. Mais le 14 juillet 2024, Cavendish a troublé ce scénario, franchissant le col en 53 minutes et 11 secondes, laissant derrière lui des spécialistes de la montagne comme Guillaume Martin ou Ben Healy, et même Biniam Girmay, un autre nom majeur du sprint.

Cet exploit n'est pas qu'une prouesse individuelle. Avec ses 35 victoires d'étapes sur le Tour de France, Cavendish dépasse désormais Eddy Merckx et impose un nouveau modèle. Le sprinteur polyvalent devient la norme : pour espérer viser le maillot vert ou entrer dans l'histoire, il faut désormais survivre aux étapes de montagne les plus sélectives. L'équipe Astana-Qazaqstan a mené ce changement, transformant la fragilité en point d'appui.

Désormais, les sprinteurs peuvent envisager autrement les étapes clés de montagne. Le plateau de Beille, longtemps inabordable, se révèle accessible à ceux qui acceptent d'en payer le prix. La frontière entre grimpeur et sprinteur s'amenuise : Cavendish ouvre une voie nouvelle, qui pourrait bien devenir un standard.

Vélo reposant près d

Entre admiration et scepticisme : ce que retient le monde du cyclisme

Le passage de Cavendish sur le plateau de Beille divise autant qu'il fascine. Certains directeurs sportifs voient en lui le symbole d'une préparation méthodique poussée à l'extrême. D'autres, plus prudents, rappellent les souvenirs de Pantani, Armstrong ou Contador, noms indissociables des scandales de dopage qui ont marqué la discipline. Les soupçons s'invitent sur les réseaux sociaux : technologie dissimulée, tractage, progrès jugés improbables pour un sprinteur de 39 ans. La discussion s'enflamme, entre sincère admiration et méfiance instinctive.

Au sein du peloton, les avis divergent. Certains saluent cette progression spectaculaire : passer de 128e en 2011 à 69e aujourd'hui, c'est une hausse de 25 % de sa vitesse d'ascension par rapport à 2018. D'autres réclament davantage de transparence et des contrôles plus stricts, tant la frontière entre exploit et anomalie paraît mince. Les tests antidopage et inspections techniques menés après l'étape n'ont relevé aucune anomalie. L'entourage d'Astana-Qazaqstan insiste sur une transformation construite : gestion nutritionnelle optimisée, soutien psychologique, chaque détail comptant.

Dans les discussions, sur les forums comme dans les bus d'équipe, une question s'impose : comment accorder une confiance totale à une performance si atypique ? L'histoire du cyclisme, marquée par tant de polémiques, incite à la vigilance. Le débat s'intensifie, la demande de contrôles et d'explications se fait plus pressante.

Trois sentiments principaux traversent le monde du cyclisme face à cette ascension :

  • Admiration pour le courage et la ténacité du Britannique
  • Scepticisme nourri par la mémoire collective du sport
  • Appel à une transparence accrue pour rassurer et apaiser les doutes

Sur le plateau de Beille, Mark Cavendish n'a pas seulement gravi une montagne : il a déplacé les lignes, forçant chacun à reconsidérer ce qui semblait écrit d'avance. Le cyclisme adore ses dogmes, mais il n'est jamais à l'abri d'un contre-exemple qui les met à terre.

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